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Photo du rédacteurMarine Favaro

Tu veux ou tu veux pas ?

Dernière mise à jour : 2 juil.

Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir si votre chien appréciait les caresses que vous êtes en train de lui faire ? Ou peut-être souhaiteriez-vous comprendre pourquoi votre chien n’aime pas les câlins ? Ou bien au contraire, vous aimeriez comprendre pourquoi il est si collant ? Au travers de ces questions, j’aimerais vous parler de la familiarité à l’humain et du contact voulu chez le chien. A priori très intime parce qu’il met en question notre relation à l’animal, ce sujet met aussi en lumière des différences fondamentales entre nos espèces et des conséquences à cette incompréhension.


toucher le chien : test de consentement

Il n’est pas rare d’observer des personnes échanger des contacts physiques avec les chiens de leur entourage... Le geste le plus courant est un humain qui se penche pour atteindre le dessus de la tête et crée un contact glissé ou tapoté qui dans pas mal de cas crée un effet de « fuite » du chien. Dans une autre proportion, le chien entre dans une excitation plus ou moins intense ; il saute, aboie et cela crée de la distance de la part de l’humain qui a initié le contact. Dans une autre proportion, on observe un chien « aréactif », qui n’esquisse qu’un léchage de truffe et ne bouge pas. Trois situations qui laissent pensif quant au bien-vivre et la pleine acceptation de ce contact. Ces différentes réactions nous permettent d’ailleurs de faire un parallèle avec les stratégies mises en place lors d’un conflit. Décrit ici, il y aurait flight (fuir), fawn (feindre l’amitié) ou bien fight (combattre, dans la mesure où la mise à distance est permise), freeze (se figer).

Ces chiens mettent en place des stratégies moins claires qu’aboyer, grogner, charger pour communiquer leur malaise d’être approché et touché. Il le tolère également dans une plus grande mesure. Mais ces contacts intempestifs pour le chien se répètent et peuvent constituer, comme toutes autres stimulations répétées, une sensibilisation pour l’animal.


La sensibilisation, en terme éthologique c’est « l’accroissement de l’intensité d’une réponse involontaire à la présentation subséquente du même stimulus légèrement aversif ».

En d’autres termes, c’est lorsque l’on apprend à anticiper les conséquences de la présence de quelque chose en développant une réponse plus intense que celle choisie initialement. On retrouve ce principe développé parfois à l’extrême dans beaucoup de « problèmes de comportement » chez le chien. En se développant, cette sensibilisation peut amener l’animal à donner une réponse forte pour se faire entendre ou simplement pour mettre fin à l’interaction. C’est pour cette raison que les contacts non voulus et invahissants font partie des situations critiques identifiées en contexte de morsure.  


Afin de prévenir les morsures il serait donc envisageable de simplement respecter l’animal et lui apprendre que les contacts avec les humains ; que cela soit des proches ou des inconnus, peuvent être maitrisable pour lui. En somme, recueillir son consentement et lui donner la possibilité de dire « non », participeraient à la réduction des morsures. 


La caresse de consentement c’est quoi ?


Une caresse de consentement, c’est un contact en deux temps qui va permettre de s’assurer que notre contact est également attendu par l’animal. Niveau pratique, il s’agit donc d’initier un premier contact sur un lieu favorisant et de s’arrêter…


En laissant votre main, à distance, mais à disposition, vous devrez attendre que votre chien se rapproche et vous propose à son tour l’échange. Dans l’autre cas, il profitera de ce temps pour s’éloigner ou communiquer avec vous que vous avez eu raison de vous arrêter (yeux plissé, oreille en arrière, léchage de truffe, soupir, ébrouement…). Chaque chien emploi des unités comportementales différentes comme chaque humain à des tics de langue. A vous d’être observateur et de faire le lien entre le contexte et l’unité observé.


Chez le chiot cette caresse de consentement peut-être installée rapidement. Elle est très intéressante puisqu’elle fonde la prise de contact et évite le mordillement qui cherche à stopper la main qui dérange. Les chiens apprennent ainsi à créer ou éviter le contact. Mais cela prend du temps, n’en déplaise aux propriétaires de chiots souvent frustrés de ne pas pouvoir papouiller à volonté leur boule de poil sous peine de se faire mordiller au sang tant les petites aiguilles de lait sont pointues… Elle doit se distinguer de l’apprentissage du contact de soin qui doit aussi se préparer le plus tôt possible. Pouvoir inspecter la fourrure, observer les oreilles, les yeux, la bouche, les pattes ou le ventre est essentiels. Ces gestes sont à acquérir avec toute la progressivité et l’observation nécessaire.


Il faut également parler du lieu choisi pour le contact ; pourquoi le dessus de la tête est-il privilégié alors qu’il représente un inconfort même chez l’humain ? (on l’interpréterait même comme de la condescendance, un manque de respect) et que dire de ce contact lorsqu’il est donné par un inconnu ? Parmi les lieux plus favorables, l’épaule, le flanc, le poitrail représentent des zones moins invasives et vous permettront de faire arriver votre main d’ailleurs qu’en pleine face…

On pourrait faire une expérience à propos de test de consentement : combien de fois sur 10, la caresse de consentement est-elle acceptée si le contact est initié sur la tête (dans des contextes s’équivalent bien sûr) ?


pourquoi mon chien n'aime pas que je le touche sur la tête ?

Avec tout cela on comprend mieux pourquoi certains chiens ont des craintes au contact de ses humains, des inconnus et des enfants. Tous conscients, on pourrait tous contribuer à la diminution des morsures et la prise de confiance de tous les chiens dans leurs interactions avec les humains.


Oui ! Mais ! C’est sans compter les incontrôlables shampouineurs du quotidien, dont les mains baladeuses sont en manque perpétuel de fourrure de tout poil... Que celui qui n’en a jamais fait partie lui jette la première pierre.


Des humains...


Et ce n’est pas par hasard. Nous humains, faisons partie des grands primates dont les stratégies de communication et d’apaisement social passent par le toucher. On le retrouve dans l’épouillage collectif des chimpanzés ou dans les coïts anti-conflits des bonobos. Qu’il fonde un contrat social autour de gestes tels que la poignée de main ou la bise... Qu’il s’agisse de montrer ses sentiments affectifs par un câlin, une accolade ou une tape dans le dos, le contact est ancré au cœur de la communication de l'humain.

Chez les canidés la communication est essentiellement gestuelle et olfactive. Elle ne nécessite pas autant de contact physique afin d’établir une connexion ou une communication ou même d’entretenir une relation. Cela ne signifie pourtant pas que le chien n’en a pas besoin, comme nous, pour se développer de manière optimale. Des études douteuses, réalisées en hypostimulation totale ont montré que le chien une fois devenu adulte avait de graves troubles cognitifs avec un développement cérébral amoindri. D’autres études ont également montré que des chiots sans contact précoce avec l’humain deviennent plus favorablement craintifs à notre espèce et moins prompts à être touché même si les contacts sont rétablis plus tard dans le développement.


Cela nous permet donc un double constat :

  • Déjà celui que notre perception d’humain biaise nos rapports aux autres espèces et que nous ne pourrons jamais faire que des projections et des observations. Mais ce n’est pas un débat nouveau…

  • Ensuite que ces contacts que nous opérons tous les jours (caresses, bisous, câlin, enlacement) sont des gestes d’humain que le chien acquière au même titre que tout apprentissage dans l’environnement que nous lui proposons.


...Et leur sélection génétique


Et lorsque l’on parle d’apprentissage, il serait dommageable de négliger également la sélection génétique très prégnante et parfois très rapide chez le chien. Certaines thèses de la domestication du chien prennent en compte la part de possible manipulation physique de l’animal dans les critères de sélection de l’espèce. C’est d’ailleurs un des principaux critères choisis pour la sélection des renards de Dmitri Belaiev et pour cause, les réactions des renards de premières générations rendaient impossible même la prise de mesure physique qui firent partie de l’étude…


L’expérience de domestication des renards de Belaiev fait partie des expériences de domestication les plus complètes, parce qu’elle est la plus longue et la plus documentée à ce jour. En effet, elle dure depuis 1959 à nos jours, premièrement menée par Dmitri Belaeiv et perpétuée actuellement par sa fille. Elle se déroule dans un élevage de renard argenté prélevé de la nature et mis à l’élevage pour leur fourrure où il existait probablement une présélection d’individu pouvant subir les conditions de vie dans une telle structure sans tomber malade à cause du stress. Puisqu’une des caractéristiques des renards argentés est d’avoir peur de ses potentiels prédateurs, et donc de fuir l’humain. Le principal critère de sélection fut donc de la familiarité avec l’humain, comme le montre ce court reportage ci-dessous. Au fur à mesure des générations, les renards les plus familiers de l’humain étaient ainsi choisis pour la reproduction au détriment des autres. Ce qui est fabuleux dans cette expérience, c’est qu’en sélectionnant le critère de recherche du contact de l’humain, les individus changeaient également physiquement avec l’apparition de taches de couleur puis de robes variées, mais également par une boite crânienne plus large. Comportementalement, des caractéristiques néoténiques (c’est-à-dire des caractères juvéniles perdurant à l’âge adulte) telles que le jeu, les vocalisations font également leur apparition. La conclusion de Dmitri Belaeiv est donc que ses renards ressemblent de plus en plus à des chiens.  

La génétique canine montre une sélection qui va vers le contact physique et la docilitét

Ce critère de sélection génétique n’est toutefois plus aussi linéaire que lors de la création de l’espèce chien, puis celle des chiens qui entrèrent dans nos foyers plus récemment. Actuellement lorsque l’on met en parallèle le critère de sélection « recherche de contact physique » et la nécessaire productivité du chien dans les élevages, ce dernier parait bien secondaire. Les élevages, dont les structures même son peu propice au contact (interspécifique ou intraspécifique d’ailleurs), sont soumis à des protocoles sanitaires (dont les règles sont régies par des lois et des sanctions), et également à un manque de temps pour tous les individus nécessaire à la rentabilité de la structure. Mais surtout la mise en valeur de critère esthétique (une robe plus rare, une taille idéale) ou cognitif (un apprentissage plus facile, une résistance au travail, une suite comportementale typée), ont rendu le critère « recherche de contact physique dans la communication » plus anecdotique. Et cela pourrait être le principe même de race qui pose question ?

Reste donc le cas des chiens ayant noué une familiarité avec l’humain supérieur à celle qu’il entretient avec sa propre espèce. Nous l’avons vu, les causes sont alors génétiques et apprentissages mêlés. Ces chiens sont reconnaissables par leur tactilité même avec les inconnus. Ou alors, il noue des relations de confiance rapidement et cherche à être avec des humains le plus possible. On y trouve une partie des craintifs également qui sont rassurés par la présence de leurs humains et ont tout autant de mal à être seul. Dans ces différents cas, le problème est alors la solitude, la frustration et les possibles relations d’addiction. Ces comportements peuvent rapidement devenir des problèmes et il est nécessaire de faire appel à un professionnel qualifié qui pourra mettre en place des solutions bienveillantes et respectueuses du chien.


En conclusion notre impact qu’il soit phylogénétique ou ontogénétique est prégnant chez le chien. N’oubliez pas que son développement comme sa génétique font en grande partie de ce qu’il est, mais que les apprentissages sont possibles, que cela soit d’apprendre à être plus indépendant ou plus proche vous faites partie de la solution.



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