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Photo du rédacteurMarine Favaro

Mon chien mange de la... excréments...

Dernière mise à jour : 23 juin

Ce soir, vous vouliez l’embrasser. Mais vous vous êtes souvenu que cet après-midi, au bois, il s’est roboré d’un étron que jamais vous n’auriez soupçonné dans le sous-bois. Si on voit le côté positif, vous pourriez être fier de voir avec quelle ardeur il investit le terrain, le quadrille, fait un tour sur lui-même comme une boussole pour viser juste et indiquer que juste là, au bout de son nez se trouve une crotte.


Un chien qui mange ses crottes est coprophage

Dégouté, déçu, complètement désemparé vous avez peut-être renoncé à proposer du contact, histoire de laisser un certain laps de temps entre l’ingestion et le bisou… Et vous vous êtes mis à faire cette recherche sur internet : mais pourquoi mon chien mange ses crottes, ou mange des crottes ?


Et si c’était sa nature ?


Pour commencer j’aimerais vous plongez quelques secondes, sur ce que quelqu’un nommé Jakob von Uexküll a appelé l’Umvelt, c’est-à-dire l’environnement de l’animal ou autrement dit ses manières de sentir, ressentir, voir et percevoir l’environnement. En tentant de se mettre à la place du chien, on comprend que les odeurs ne sont pas un problème, au contraire. À la manière dont nous aimons les tableaux colorés, les films 4k mouvementés et les réels sur Instagram, les chiens vivent les odeurs. Ils sont capables de les localiser précisément, de les analyser et même de les interpréter. Elles peuvent envahir leur pensée et révèlent toujours tant d’informations sur vous ou sur vos invités. Dans ce contexte une crotte peut ressembler à un roman épique façon polar de l’été et je suis sûr que vous vous en voulez déjà qu’il ne puisse le dévorer. Pour poursuivre dans cet Umvelt, on comprend assez bien comment on passe d’un intérêt prononcé à une envie de goûter (allez juste un bout !). Bien qu’il existe des alternatives, telles que laisser un message uriniare dessus (+1 commentaire sur ce post) ou bien se rouler dedans afin d’emporter avec soi et tester le port de cette évocation si intéressante, manger ses excréments ou ceux des autres est relativement fréquent chez le chien.


Avant d’aborder la partie causale, il faudra rappeler que l’évolution des chiens est si incroyable, parce qu’elle s’est faite dans la niche écologique de l’homme. Dans beaucoup de théorie sur la sélection génétique des chiens apparait l’idée que sa présence à proximité de l’humain ait permis de nettoyer à la fois les déchets et les déjections concentrées par la sédentarisation. Le couple de chercheurs Coppinger & Coppinger ont beaucoup développé sur ce sujet et montrent comment cette aptitude de nettoyage des zones de déjections humaines est même encore recherchée par certaines populations actuelles. La présence accrue d’excréments représente un risque sanitaire. Les chiens diminuent ainsi maladies et parasitisme pour l’homme et pour le chien, la source d’énergie est inépuisable. La sélection génétique aurait donc également commencé par une reproduction des individus préférant consommer des crottes et surtout d’humain. Les études mettent aussi en valeur une préférence pour les excréments « frais », ayant moins de 2 jours.


Les chiens ont des habitudes particulières concernant les excréments, qu’il soit d’humain, de chien, de chat, de renard ou plus original de blaireau. Ce passe-temps peut avoir une signification particulière et peut être atténué (voir disparaitre). À vous d’en chercher la cause ou de vous faire aider par un professionnel pour mettre en place certains gestes.

l'environnement urbain pousse les chiens à la coprophagie

Alors pourquoi mon chien mange des excréments ?


  • Premier point, rappelé par une vétérinaire comportementaliste génialissime en formation « Tous les mammifères juvéniles sont attirés par leurs excréments, et peuvent aller jusqu’à les consommer ». Fait répandu, les petits seraient en recherche de contact avec leurs excréments afin de consolider et « enrichir » leurs biotes intestinal… C’est d’ailleurs une technique connue en médecine afin de restaurer la flore de personnes ayant connu des lourds traitements. Bon d’accord, la technique n’est pas aussi « directe » que celle appliquée par les chiens, mais les effets sont similaires. La coprophagie du juvénile pourrait donc être un simple passage, « normal » (mais difficile à traverser pour vous), qui devrait spontanément disparaitre. Mais que vous aurez tout de même à surveiller et pour cause…


  • Les chiots sont particulièrement aptes à l’apprentissage social et l’observation des adultes présents dans leur environnement pourrait les emmener à reproduire des comportements tels que la coprophagie. Par ce même biais, il faut également savoir que la mère assure l’aspect sanitaire de son nid en avalant les déjections des petits. Durant les trois premières semaines de vie du chiot, la mère devra stimuler par léchage la zone périnéale le réflexe de miction et défécation des chiots, qui n’est pas accompli autrement. On peut observer que cette habitude de nettoyage peut se poursuivre une fois que les chiots sont capables d’uriner et déféquer par eux-mêmes. Cela crée ainsi l’apprentissage d’élimination des excréments pour les petits. L’implication et la constance de l’éleveur seront donc déterminantes.


  • De la même manière, si, une fois arrivée chez vous après ses deux mois révolus, vous ne parvenez pas à maintenir l’apprentissage de la propreté (ou bien l’éleveur n’a pas pu le mettre en place), et/ou que vous avez tendance à nettoyer ses excréments en sa présence, votre chiot pourrait comprendre que l’on peut « faire le ménage ». Dans ce cas de figure, l’apprentissage est interspécifique, mais pas moins gênant. Il est donc déconseillé de nettoyer à l’intérieur ou à l’extérieur devant le chien. Choisissez de l’écarter de la zone ou de passer à l’acte quand il s’occupe d’autre chose.


  • Ce dernier cas de figure peut également être renforcé si vous avez puni. En effet, si le chien a fait le rapprochement entre vos remontrances à son encontre et la présence d’excrément, il est possible qu’il choisisse de faire disparaitre ce qui peut potentiellement déclencher vos foudres. Attention, le chien ne fait pas le lien entre l’action de « faire ses besoins » et votre colère. Il s’agit pour lui d’éviter vos cris, vos gestes (taper, mettre le nez dans les excréments) et même votre attitude puisque les chiens sont capables de lire nos expressions faciales. Gardez à l’esprit qu’aucun apprentissage n’est permis, au contraire, vous perdez sa confiance et un peu de votre relation avec lui.


  • Il a faim ou il a tendance à être glouton : probablement une cause bien plus répandue que ce que l’on peut imaginer. Un chien qui a faim cherche à se remplir le ventre et la source d’excrément, notamment dans l’environnement urbain, est très (trop) disponible. Les études montre une corrélation entre chien glouton et coprophagie. Réajuster la ration, offrir de la mastication (sujet de notre article précédent) seront essentiel. Attention donc si vous mettez votre chien au régime ou si son tempérament vorace prend le dessus. Dans bien des cas, un rééquilibrage ou un changement d’alimentation (avec un temps de transition suffisant et correctement effectué) sont spectaculaires. Pour les chiens à tendance gloutonne, votre vigilance sera de mise.

un chien gourmand à statistiquement plus de chance d'être coprophage

  • Il aurait besoin d’être vermifugé : dans le cas d’une infection parasitaire, ce sont eux qui vont bénéficier de la nourriture et non l’hôte ; il y a malabsorption. Le chien cherche alors à combler sa faim ou ses carences. Les parasites en surnombre sont parfois difficilement éliminés par une couverture vermifuge standard. Les vers plats et ronds ont également des rythmes de reproduction spécifiques et il vaut mieux se renseigner pour les administrer efficacement !


  • Il s’occupe et récupère de l’attention : probablement un truc d’ado, mais pas que ! récupérer votre attention fonctionne généralement très efficacement en ingérant des excréments. La meilleure partie c’est d’ailleurs quand vous lui courrez après.


  • Avant d’aborder les problèmes de santé qui sont des causes rares, je voudrais vous parler d’une cause que je connais bien. Il se peut que votre chien soit coprophage, mais avec certaines crottes de chien seulement. La raison se trouve dans l’alimentation de ses voisins. Dans ce cas, les excréments ingérés ne ressemblent pas à autre chose que de la nourriture tant les additifs d’odeur ajoutée dans les croquettes n’ont pas été digérés. En remontant un peu la piste, on découvre souvent une marque à l’origine du problème. Dans ce cas, les chiens font tout pour manger spécifiquement ses crottes, mais pas sûr que leurs humains en raffolent…


  • Il a une carence en vitamines. Une prescription vétérinaire ou un supplément peuvent l’aider. Attention à la surdose de certaines vitamines qui peuvent également être néfastes, allez voir votre vétérinaire.


  • Il a un dysfonctionnement pancréatique. Ici, la coprophagie sert au chien à combler un manque en enzymes alors présentes dans les crottes de ses congénères. Si cette cause est rarissime et décriée, reste que seul un vétérinaire peut vous aider.

Certains cas de coprophagie nécessite une consultation vétérinaire

  • Il souffre de gastrites : il s’agit d’une inflammation de l’estomac, dans ce cas le chien a besoin d’ingérer pour se soulager. Et souvent, il ne choisit pas que des excréments.


  • Tout bien réfléchi… effectivement, cela ne s’arrête pas aux crottes. Il a tendance à gober mouchoir, peau de clémentine (merci ceux qui mangent en marchant et ne pensent pas à utiliser une poubelle), chaussette (vraiment, mais qui perd ses chaussettes au parc ?), bout de plastique et tout ce qui présente un aspect différent dans l’environnement. Là, on parle plutôt de pica et les causes sont multiples et particulières à chaque individu avec une part de génétique et d’apprentissage, comme tout comportement.


Vous aurez peut-être une autre chance, celle qu’il se roule dedans. Dans ce cas, votre artiste à poil repeint son pelage pour faire corps avec son environnement. Cette odeur l’aura probablement inspirée parce que vous l’aurez emmené dans un lieu spécial qui lui donne envie de communier. Pas de panique, c’est juste de la… excrément


Pour aller plus loin…

  • A. Horowitz, « Dans la peau d’un chien », Champs Sciences, 2011


  • R. Coppinger & L. Coppinger, « Dogs : A new understanding of canine origin, behavior and evolution », Chicago press, 2002


  • H. Herzog, « Did eating human poop play a role in the evolution of dogs ? », Psycholgy Today, 2020


  • B. Hart, L. Hart, A Thigpen†, A Tran, M Baincan, « The paradox of canine conspecific coprophagy », Veterinary Medicine and Science, Vol 4, pp. 106-114, 2018


  • A. Benen, « Diet and canine coprophagie », 2020

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